Après vingt ans d’existence, le Cabinet Simon Associés a créé un Département International, composé de cinq avocats spécialisés et placés sous la responsabilité de Cristelle Albaric[1].
Cette division a vocation à accompagner les enseignes françaises à l’étranger, et les enseignes étrangères en France, qu’elles se développent ou non en franchise. Il s’appuie notamment sur un réseau de correspondants dans le monde entier. Ainsi, le Cabinet Simon Associés est par exemple en partenariat avec un cabinet d’affaires chinois, comprenant près de 800 professionnels et présent dans une vingtaine de villes en Chine.
Nous avons rencontré François-Luc Simon, l’un des cofondateurs du Cabinet Simon Associés, et Cristelle Albaric pour déterminer les éléments majeurs, notamment en termes d’information précontractuelle, qu’un franchiseur doit respecter pour s’implanter au Brésil, en Chine, au Maroc, en Italie et en Allemagne.
François-Luc SIMON |
Cristelle ALBARIC |
Le développement à l’international suppose le respect de la règlementation du pays visé
Près de 20% des enseignes de franchise françaises[2] se développent à l’étranger[3]. Tout développement à l’international nécessite une longue préparation, qui commence par l’étude de la législation applicable dans le pays visé.
« Si le monde est entré dans une certaine globalisation, nombre de particularités, notamment au niveau de la législation, sont à anticiper lorsque l’on désire s’implanter en franchise dans un pays étranger. Il est donc indispensable d’étudier la réglementation locale en termes d’information précontractuelle, d’exigences sur l’exécution et l’extinction du contrat de franchise, de loi sur la protection de la marque, ainsi que d’autres données juridiques telles que le droit de la concurrence, la forme des sociétés, le droit du travail, ou encore, les dispositions particulières aux investissements étrangers.
Au-delà du juridique et de ses évolutions, pour qu’un lancement à l’étranger en franchise soit une opération commerciale réussie, il est souvent nécessaire d’adapter son savoir-faire aux particularités locales, notamment culturelles, sans le dénaturer.
Dans la grande majorité des cas, lorsque nous sommes saisis d’un dossier, le franchiseur a déjà engagé une relation avec un partenaire potentiel, et vérifié que ce dernier répondait bien à certains fondamentaux : connaissance du tissu économique local, surface financière, etc. Nous intervenons pour améliorer le contenu du contrat pour les franchisés locaux et identifier les futures problématiques, en particulier en termes d’intégrabilité du savoir-faire sur le nouveau territoire», affirme François-Luc Simon, cofondateur du Cabinet Simon Associés.
Dans certains pays, il n’est ainsi pas possible de se lancer en franchise directe, le développement en master franchise ou joint-venture étant soumis à conditions.
Le Brésil : un marché pour les franchises équivalent à deux fois celui de la France
Cinquième partenaire commercial de la France, le Brésil compte plus de 400 entreprises françaises implantées sur son territoire, dont la quasi-totalité des membres du CAC 40. Figurant parmi les quatre pays émergents, avec la Chine, l’Inde et la Russie, le Brésil a connu une forte croissance au cours des dernières années. Le nombre de réseaux de franchise a ainsi triplé en seulement dix ans, passant de 600 à 1855 réseaux.
« Ce boom économique a conduit au développement de la partie de la population consommant des produits franchisés, aujourd’hui estimée à 130 millions de personnes, soit un marché équivalent à deux fois celui de la France. Les perspectives de croissance pour 2012 restent de 3%. Toutefois, pour s’implanter en franchise, il faut prendre en compte le protectionnisme local, avec des droits de douane dissuasifs pouvant doubler le coût des produits pour le consommateur. La solution peut résider en l’installation d’une unité de production sur le territoire brésilien, comme l’a fait Apple. Les réseaux de services sont moins pénalisés, avec un coût localement moindre de la main d’œuvre.
Le marché est porteur pour les marques françaises, notamment dans les domaines de la mode, de l’art de vivre et de la gastronomie, où notre pays a la chance de pouvoir toujours surfer sur la reconnaissance d’un savoir-faire à la française. Au niveau du cadre juridique, il existe une obligation d’information précontractuelle, circular de offerta, équivalente à notre loi Doubin et datant du 15 décembre 1994. Toutefois, une proposition de loi visant à imposer une exploitation minimale d’un point de vente sous enseigne sur le sol brésilien durant deux ans avant tout développement en franchise est actuellement à l’étude », explique Cristelle Albaric, Directrice du Département International du Cabinet Simon Associés.
Au Brésil, plus de 90% des réseaux de franchise sont d’origine locale et seule une poignée d’enseignes françaises, à l’instar de 5 à Sec, s’y sont implantées. Les centres commerciaux sont occupés à 70% par des franchisés.
La Chine : la venue d’enseignes étrangères facilitée depuis le 1er avril 2012
Après une progression économique fulgurante depuis son entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2001, la Chine propose une échelle de marché incomparable avec les états européens. Elle occupe la première place mondiale de la franchise, avec plus de 4500 réseaux et 400 000 points de vente sur ce secteur, selon les chiffres du ministère du commerce chinois communiqués fin 2010.
« Les 120 réseaux les plus importants réalisaient alors 53,76 milliards de dollars de chiffre d’affaires. En ce qui concerne le cadre juridique, les premières règles datent de 1997 et ne concernaient que les réseaux locaux. En 2004, suite à l’intégration dans l’OMC, le législateur chinois a encadré les activités dans lesquelles les investisseurs étrangers pouvaient intervenir et par extension, l’année suivante, les activités de franchise étrangères.
Depuis le 1er avril 2012, une nouvelle directive est entrée en vigueur afin de faciliter la venue d’enseignes étrangères. Comme la plupart des droits en la matière, le droit chinois relatif à la franchise contient des dispositions relatives à l’information précontractuelle, laquelle doit être communiquée au moins 30 jours avant la signature du contrat et être plus détaillée que ce qu’impose la législation française.
En particulier en ce qui concerne la consistance de l’assistance et du savoir-faire, le contrôle exercé par le franchiseur sur le franchisé, la branche chinoise du réseau de franchise et les affaires judiciaires concernant le franchiseur. La loi contient également, ce qui est beaucoup plus rare, des dispositions relatives aux obligations des parties », relève Cristelle Albaric.
Le Maroc : l’autre pays de la franchise française
Au Maroc, où la population est jeune et le taux d’urbanisation élevé, la société de consommation est en plein essor et promise à une occidentalisation croissante après quinze ans de réformes de modernisation et de libéralisation de son économie. Ces réformes sont organisées autour de plusieurs axes majeurs : un environnement institutionnel et légal d’inspiration française attractif pour l’investisseur, une stratégie régionale de promotion et de développement actif des investissements, une procédure d’accueil spécifique des activités délocalisées, et la mise en œuvre de nombreux accords de libre échange.
En 2010, le Maroc abritait plus de 400 enseignes et près de 3700 points de vente, avec une progression de 900% en un peu plus de dix ans. 80% des enseignes sont étrangères, et pour moitié françaises.
« La proximité de plusieurs marchés dans la région facilite l’adaptation des concepts et potentialise la maîtrise des délais de livraison. Le législateur marocain n’a pas établi de cadre juridique spécifique à la franchise, ce secteur étant caractérisé par l’autorégulation et soumis aux règles de droit commun. En particulier, l’information précontractuelle du franchisé n’a pas fait l’objet d’une réglementation spécifique. Le contenu des obligations respectives du franchiseur et du franchisé est dès lors quasiment entièrement déterminé par la volonté des parties. La Fédération Marocaine de la Franchise, fondée en 2002, a adopté un code de déontologie qui n’a pas de valeur légale. Depuis deux ans, un « Monsieur Franchise », Flae Sergent, a été nommé par l’Etat. Attention, au Maroc, le mode de fonctionnement dans les affaires reste différent de la mentalité européenne », affirme François-Luc Simon.
L’Italie : une loi spécifique à la franchise depuis 2004
Deuxième partenaire commercial de la France, L’Italie compte plus de mille entreprises françaises implantées sur son territoire. L’Association italienne de la franchise, (Assofranchising) est l’un des membres fondateurs de la Fédération européenne de la franchise.
Selon un rapport sur l’état du secteur de 2011 (réalisé depuis 1993), on comptait 885 réseaux de franchise[4], dont 89,4% d’origine locale et 7,1% en Master franchise (63 réseaux). Les services en général (439 enseignes), l’équipement de la personne (226 enseignes), les commerces spécialisés (99 enseignes) et l’équipement de la maison (44 enseignes) étaient les secteurs les plus représentés, avec un peu plus de 54 000 points de vente sur le territoire national.
Le 6 mai 2004, l’Italie a adopté une loi spécifique à la franchise relative à la discipline de l’affiliation commerciale, et complétée par le décret du 2 septembre 2005. « Ainsi, l’article 4 impose au franchiseur de fournir au candidat franchisé une copie du contrat projeté et un document d’information précontractuel (DIP) au moins 30 jours avant la signature du contrat. Ce DIP contient des informations relatives au franchiseur - dont les bilans des trois derniers exercices, à la demande du candidat -, à la détention de sa marque, à son activité sous franchise, à la composition et l’évolution de son réseau, ainsi qu’aux procédures intentées à son encontre et closes depuis les trois dernières années.
Certaines mentions doivent être obligatoirement précisées dans le contrat de franchise, notamment le montant des investissements nécessaires et du droit d’entrée, les modalités de calcul des redevances, la consistance de l’obligation d’assistance, et des indications relatives au savoir-faire. La loi italienne présente l’originalité de mettre certaines obligations à la charge du franchisé. En particulier, le respect de la plus stricte confidentialité sur son activité en franchise pour lui-même et ses employés », indique François-Luc Simon.
L’Allemagne : pas d’encadrement du droit de la franchise en tant que tel
Première économie européenne et premier partenaire commercial de la France, l’Allemagne appuie très largement son dynamisme sur les services, représentant près des trois-quarts de son Produit Intérieur Brut (PIB). La France occupe le cinquième rang des nations pour les investissements étrangers.
Sur le territoire allemand, on comptait l’an dernier 990 réseaux (soit une hausse de 32% en dix ans), avec une grande variété d’entreprises, 66 900 points de vente (+ 76,9% depuis 2001), dans un secteur qui employait 496 300 salariés pour un marché de 60,4 milliards d’euros. Près de 9 réseaux sur 10 sont d’origine locale. L’Association allemande de la franchise, créée en 1978, a adopté le code d’éthique européen de la franchise. Elle dispose d’un pôle dédié à la franchise à l’international, afin notamment de pouvoir promouvoir les enseignes allemandes à l’international, mais également de faciliter l’introduction de réseaux étrangers en générant des contacts avec des master-franchisés locaux.
« Comme en France, le droit de la franchise allemand n’est pas encadré en tant que tel par des lois ou règlements. Les règles applicables à la franchise sont principalement issues de la jurisprudence, qui en affine les contours, et par celles des autres domaines du droit : droit commercial, droit des contrats, droit de la concurrence, etc. L’information précontractuelle en matière de franchise ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière. Son mode de transmission au franchisé n’a pas de forme imposée. L’étendue des informations obligatoirement transmises par le franchiseur est appréciée au cas par cas, en fonction des besoins du franchisé. La jurisprudence reconnaît néanmoins qu’il appartient en principe au franchisé de se procurer les informations relatives aux conditions générales du marché et à leur impact sur son activité future en franchise », souligne François-Luc Simon.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise et auteur du Guide de la franchise 2012 (éditions L’Express)
[1] Co-éditrice avec Marianne Dickstein et co-auteur d’un ouvrage écrit en anglais, « International Commercial Agency and Distribution Agreements », sur la législation dans 17 pays concernant l’agence commerciale, la distribution exclusive et la franchise.
[2] Selon les données de la Fédération Française de la Franchise.
[3] 15% des franchiseurs en France sont d’origine étrangère.
[4] Comprenant au minimum trois points de vente.