Jeudi 26 décembre 2024
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E-commerce (1/4) / Rémi de Balmann : « L’ensemble des dispositifs Internet propre au réseau devient une composante du savoir-faire du franchiseur »


Co-auteur de l’ouvrage « E-commerce et réseaux de franchise », Rémi De Balmann, avocat associé du cabinet D, M & D, nous livre son approche d’une stratégie Cross canal dans un réseau de franchise au niveau juridique.

La Référence Franchise : Comment amener franchisés et franchiseurs à comprendre qu’ils doivent cohabiter dans un projet cross-canal ?

Rémi de Balmann : Franchisés et franchiseurs ont choisi de vivre une aventure commune, dont le consommateur est au centre du dispositif. Aujourd’hui, avec le développement des technologies, le client ne se contente pas d’un seul canal de vente et dicte sa loi. S’il n’est pas satisfait dans ses modes de consommation, le magasin franchisé risque de devenir un lieu déconnecté de la réalité économique et du marché. Par ailleurs, le franchiseur, si son concept s’y prête, ne peut ignorer l’opportunité proposée par la forte croissance de l’e-commerce[1]. D’autant plus qu’une jurisprudence datant de 2006 l’autorise à utiliser le canal Internet sans que cela soit vécu comme un concurrent par ses franchisés.

Dans l’approche juridique, le maillage du territoire par des franchisés permet de conquérir le client au niveau local, mais dans sa décision d’achat, le consommateur reste indifférent aux clauses d’exclusivité territoriale. De la même façon, ce dernier se détermine entre acheter dans un magasin physique et un site marchand en fonction de ses seuls intérêts, et non de ceux du vendeur.

La Référence Franchise : Un franchisé, a-t-il le droit de créer son propre site d’e-commerce ?

Rémi de Balmann : Il dispose de ce droit, et sous conditions, mais a-t-il intérêt à en user ? En a-t-il la capacité et la légitimité ? S’il crée un site marchand, un franchisé sera soumis à de lourdes contraintes en termes de respect de l’image de l’enseigne – et pas seulement au niveau de la charte graphique du site - et du droit – en matière de consommation et d’e-commerce notamment -, ou encore d’investissement financier, en particulier pour la logistique. Si la question n’a pas encore été tranchée par la jurisprudence, il serait périlleux d’interdire à un franchisé la création d’un site marchand.

Je rappelle toutefois qu’un franchisé n’a pas vocation à sortir du cadre de sa zone de chalandise, pour laquelle il possède généralement une exclusivité territoriale, via Internet afin de conquérir de nouveaux marchés. Dès lors que le consommateur est au centre du système de franchise, le franchiseur doit développer une approche cohérente de son enseigne dans l’e-commerce, en particulier en termes de qualité de services, pour satisfaire le consommateur au niveau de la prospection et de la commercialisation de ses produits et services. En outre, une enseigne s’inscrit dans la durée quand la relation entre le franchisé et le franchiseur, bien que reconductible, reste à durée limitée.

Comment partager chiffre d’affaires et profits générés par le site marchand de l’enseigne ?

Le franchiseur doit mettre en place des moyens pour intégrer le franchisé dans une stratégie Cross canal. Par exemple, à travers le commissionnement du franchisé lorsque l’acheteur sur le site marchand de l’enseigne a été géolocalisé dans sa zone de chalandise, ou lorsque le client vient retirer son achat en ligne dans son point de vente physique. Il s’agit là d’une faculté, exercée en cohérence avec le système de franchise, et en aucun cas d’une obligation pour le franchiseur. Il faut inciter le consommateur à naviguer entre point de vente et site marchand d’une même enseigne pour ses achats, pour que l’un soit toujours le prolongement de l’autre en termes de business. Sans cette interaction, il y a un risque de segmentation des canaux et que la volonté de garder le client captif de l’un ou l’autre des lieux de consommation devienne dommageable pour l’intérêt commun du franchisé et du franchiseur. Un débat sur l’appartenance de la clientèle au franchisé ou au franchiseur soulevé par rapport au bail commercial, et tranché par une jurisprudence datée de 2002, avait déjà montré la dualité du consommateur, attiré à la fois par les services du commerçant local et de la marque nationale. La double approche Internet / magasins physiques doit être encouragée par la tête de réseau, sous peine de ne plus répondre aux attentes légitimes du consommateur.

Pourquoi est-il aujourd’hui impossible de faire l’impasse sur Internet dans le contrat de la franchise ?

L’ensemble des dispositifs Internet propre au réseau considéré doit être réglementé dans le contrat de franchise, voire en annexe. Les clauses indiquées doivent avoir comme objectif d’impliquer les franchisés dans une stratégie Cross canal, en précisant les droits et obligations de chacune des parties. Quelle est la destination du site marchand ? Comment est-il organisé ? En quoi impacte-t-il l’activité du franchisé ? Par exemple, dans quelles conditions le franchisé devra accueillir l’e-consommateur quand il viendra retirer un achat en ligne dans son point de vente. L’ensemble des dispositifs Internet propre au réseau devient une composante du savoir-faire du franchiseur, et donc un volet du manuel opératoire de l’enseigne. Le site marchand doit être considéré comme un des éléments de vie du réseau et du développement du concept.

Propos recueillis par François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise


Rémi De Balmann

[1] +19% de chiffre d’affaires pour les cybermarchands en 2012 selon la FEVAD ; on estime que ce rythme de croissance devrait être maintenu jusqu’en 2015 pour dépasser les 70 milliards de chiffre d’affaires (contre 45 en 2012)