Jeudi 21 novembre 2024
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E-commerce (3/4) - Gilbert Mellinger (EPAC) : « La question du partage du profit entre franchiseur et franchisés ne peut être légitimée que par le partage de l’investissement dans la vente en ligne »


Co-auteur de l’ouvrage « E-commerce et réseaux de franchise », Gilbert Mellinger revient sur la gestion de la relation franchiseur / franchisés lors du lancement et de l’exploitation d’un site marchand pour une enseigne de franchise.

Comment amener franchisés et franchiseurs à comprendre qu’ils doivent cohabiter dans un projet multi-canal ?

Il faut d’abord rappeler, au préalable, qu’à la différence du fonctionnement dans le succursalisme, le patron d’un point de vente franchisé, entrepreneur indépendant, porte l’investissement financier nécessaire à l’ouverture de son commerce et s’implique dans la gestion de son affaire, jusqu’à remplacer au pied levé un salarié absent. Il paie finalement peu au regard des avantages de la mutualisation des moyens dont il bénéficie : système informatique performant, dynamique de l’offre au consommateur, visite régulière d’un animateur dans son point de vente… Pour cela, bien sûr, il faut que le franchiseur ait pris conscience de ce qu’implique son métier, notamment en termes de qualité de services qu’il doit assurer à ses franchisés.

Ainsi, la réussite du lancement du e-commerce dans un réseau de franchise dépend essentiellement du degré de réussite des franchisés et de leur confiance dans le franchiseur. Il faut avoir construit une relation saine et positive entre partenaires commerciaux pour que l’ensemble du réseau comprenne que les magasins physiques et Internet sont deux univers totalement complémentaires et, dès lors que ses produits peuvent être vendus sur le net, une enseigne ne peut se permettre d’être absente de l’e-commerce. Auquel cas, le client finira par oublier d’aller consommer dans les points de vente franchisés. Entre franchiseur et franchisés, faire front uni est devenu un impératif. Un site d’e-commerce se crée toutes les vingtminutes !

Comment la synergie e-commerce / réseau de magasins physiques s’avère vertueuse ?

Comme parfois au jeu d’échecs, le développement de la vente en ligne est un coup forcé. La bataille du commerce ne se livre plus seulement au pied des immeubles, mais aussi sur Internet. Parmi les effets bénéfiques, faire de l’e-commerce permet de communiquer avec le consommateur nomade, pour le capter et permettre de le rediriger vers un point de vente franchisé. Ce qui nécessite un déplacement d’une partie des investissements dans la publicité vers le référencement payant. La synergie entre réseau physique et Internet s’active aussi dans le sens inverse : le contrat de franchise doit prévoir comment le magasin, à travers des informations sur le ticket de caisse, la PLV ou la vitrine du magasin, renverra vers le site Internet de l’enseigne. Aujourd’hui incontournable, la vente en ligne doit être considérée comme une opportunité, même si avec 1200 € d’achats en moyenne par habitant et par an, elle ne représente encore qu’une part faible de la consommation globale.

Comment partager chiffre d’affaires et profits générés par le site marchand de l’enseigne ? Faut-il absolument rémunérer les franchisés ?

L’investissement dans la vente en ligne est lourd, avec plusieurs centaines de milliers d’euros dès le départ et des charges récurrentes élevées, notamment en termes de référencement et de ressources humaines. De plus, de nouvelles compétences sont à acquérir, comme la technicité d’Internet, mais aussi celle de la logistique et du service après-vente lié à l’e-commerce. Enfin, le retour sur investissement est long et peu de sites marchands, même parmi les plus connus, sont rentables. Le profit reste encore aujourd’hui trèshypothétique, et il n’est de plus pas promis dans le contrat de franchise.

Quoi qu’il en soit, la question du partage du profit ne peut être légitimée que par le partage de l’investissement dans la vente en ligne. Le principe de la franchise suppose d’ailleurs que celui qui investit recueille les fruits de son travail et de son investissement. Il faut que tout franchiseur ait le courage d’expliquer à ses franchisés qu’ils n’ont légitimité à partager le profit généré par l’e-commerce si ceux-ci ne participent pas financièrement au lancement et à l’exploitation du site marchand. En revanche, le franchisé a le droit d’exiger que son franchiseur se lance dans l’e-commerce afin d’assurer la promotion de l’enseigne sur tous les canaux disponibles, et de le lui reprocher s’il ne le fait pas au titre d’un « désavantage concurrentiel » !

Comment coordonner la politique de prix sur Internet et dans le réseau de magasins physiques ?

Cette question n’est pas simple à gérer. Mais on peut avancer quelques pistes de réflexion. Dans tous les secteurs, il existe des produits-phares qui nécessitent une harmonie entre le prix de vente en magasin et celui en ligne, avec un écart minime. De même, les promotions doivent être synchronisées entre les deux canaux. Enfin, il est également possible de réserver des gammes de produits particulières à l’un ou l’autre des canaux.

Les produits sensibles sont à identifier lors des échanges entre franchiseur et franchisés dans les commissions de travail ou les réunions régionales dans le cadre d’une politique commerciale concertée. Grâce à Internet, on devient plus pertinent dans sa façon de commercer. Ainsi, pour que le stock d’un point de vente soit constamment à jour pour ceux qui commandent en ligne et viennent chercher leur produit en magasin, l’inventaire s’inscrit comme un élément de gestion, plus comme une contrainte fiscale. Second exemple : quand un consommateur fait sa recherche en vue d’un achat important sur Internet, il vient parfois en magasin pour toucher l’objet avant de l’acquérir. Il faut donc former les vendeurs à transformer cette visite en achat dans le magasin, parfois en lui permettant de s’aligner sur le prix de vente en ligne.

Propos recueillis par François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise

Gilbert MELLINGER