Enjeu national, la reprise d’entreprise demeure mal anticipée par les cédants.
Deux fois plus de chances de réussir pour les professionnels du secteur
900 000. C’est le nombre d’entreprise à transmettre en France dans les prochaines années.
« Cela représenterait 300 000 emplois par an à pérenniser. La reprise d’entreprise demeure encore mal anticipée par les patrons de PME, étant parfois réalisée à un âge critique, au-delà de 70 ans. De plus, on observe de moins en moins de transmissions familiales. D’où l’importance de l’adéquation entre le profil du repreneur et l’entreprise cible. Nous avons constaté que les profils de technicien, davantage tournés vers l’opérationnel, ont deux fois plus de chances de réussir que les cadres dirigeants, habitués à déléguer.
Dans certaines activités, comme la restauration ou la boulangerie, nous ne finançons que les professionnels issus du même secteur. Ceux qui connaissent le secteur de la PME visée sauront l’acheter au bon prix, et donc démarrer avec un minimum de dettes. Dans tous les cas, il faut s’entourer de conseils qui ont pignon sur rue, surtout pour les cadres dirigeants qui ont eu uniquement l’habitude de travailler avec des alter ego.
Seul à prendre la décision finale après avoir obtenu l’accord du cédant, le repreneur peut avoir des difficultés à conserver sa lucidité dans un contexte où beaucoup de monde est intéressé à ce que la vente se réalise », souligne Anne Guérin, directrice régionale Ile de France Ouest à OSEO.
D’où l’intérêt de faire intervenir de préférence des référents extérieurs, comme la CCIP ou le CRA, qui ne se rémunèrent pas directement sur le prix de cession (mais sur honoraires, à partir d’un devis).
Transition de vie pour le cédant pas ou peu appréhendée
Selon les études de la CCIP de Paris, la moitié des dirigeants de PME n’ont pas préparé leur retraite à l’âge de 60 ans.
« Le marché est complètement grippé pour des raisons structurelles, et non conjoncturelles. Les cédants ne se préparent pas ou peu à la transmission de leur entreprise. Ils font ainsi des « refus devant l’obstacle » au dernier moment, pour des raisons futiles, liées au fait qu’ils n’ont pas prévu comment s’occuper après la transaction. De plus, ils surévaluent de bonne foi le prix de leur entreprise, quelquefois avec la complicité de leur expert-comptable. Or, les banques refusent au final de soutenir un achat incompatible avec les valeurs observées sur le marché », insiste Jean-Pierre Robin, délégué Paris du CRA (Cédants & Repreneurs d’Affaires).
Au départ, le cédant estime son entreprise au moins 10% au-dessus du prix réel… quand ce n’est pas le double de sa valeur. Contrairement à une idée reçue, il n’a pas toujours épargné pour sa retraite.
Les clés de la cession : structuration de l’entreprise et perspectives de business
La reprise d’entreprise offre pourtant un confort au démarrage pour le dirigeant.
« Dans la création d’entreprise pure, le dirigeant construit son projet de A à Z, avec l’inconvénient d’essuyer les plâtres. Dans la reprise, il peut se verser d’emblée un salaire, possède une équipe salariée et un savoir-faire déjà en place, et surtout des clients et un carnet de commandes. Un solide apport de capital est ainsi nécessaire : entre 500 000 et 700 000 euros pour une PME en bonne santé financière, dont le chiffre d’affaires est autour de deux millions d’euros.
La valorisation de l’entreprise achetée dépend de sa structuration et de ses perspectives de business. Un profil type du repreneur en Ile de France est : 45 ans, manager de grands groupes internationaux, en quête d’un second souffle après un plan de départ volontaire avec un apport moyen de 200 000 à 250 000 euros. Il cherche en général à reprendre une entreprise d’au moins 10 salariés, alors que ce n’est le cas que pour 4 à 5% des entreprises de notre région… Il apporte son expertise, dans la logistique, l’achat, le financier ou autre domaine. Au chômage, il est confronté à un compte à rebours, réduisant toujours davantage ses moyens financiers. Il corrige en général son rêve au bout de quelques mois, face à la réalité du marché », assure Maxime Amieux, chef de produit et développement réseau.
Les femmes, plus longues à réaliser leur projet entrepreneurial
En Ile de France, 15 à 20% des repreneurs sont des femmes[1].
« L’appréhension de la création ou de la reprise d’entreprise est différente entre femmes et hommes. Par exemple, les femmes se posent davantage de questions dans le montage du projet et sont plus longues à le réaliser. Elles font moins appel à des garanties. Elles se lancent dans des secteurs moins onéreux, mais plus tardivement que les homologues masculins, généralement lorsqu’elles sont libérées des contraintes familiales.
Ces observations sont issues du premier baromètre des femmes entrepreneures, établi par la Caisse d’Epargne en octobre dernier. D’autre part, il faut également préciser que la reprise d’entreprise est appréciée par les banques, car on ne part d’une page blanche pour estimer la viabilité et la pérennité du projet entrepreneurial. Nous pouvons notamment nous appuyer sur la clientèle déjà associée au point de vente et l’histoire du fondateur », relève Florent Lamoureux, directeur du marché des professionnels de la Caisse d’Epargne.
François Simoneschi
Le dossier complet : Partie 2 - Partie 3 - Partie 4
[1] En France, 30% des créateurs d’entreprises sont des femmes
Florent LAMOUREUX