Devenir franchiseur implique de changer de statut d’entrepreneur : il faut passer de commerçant à animateur d’indépendants, sans négliger son métier premier, lié à l’activité. Construire un réseau de franchise est un projet d’entreprise sur 5 à 10 ans au minimum.
Le franchiseur change de statut d’entrepreneur : il passe de vendre des produits et/ou services (répondre aux attentes du client final) à construire un réseau (répondre aux attentes de partenaires entrepreneurs).
Le succès d’une franchise repose en grande partie sur la qualité du recrutement des franchisés. Un bon franchiseur devra savoir déceler et faire grandir des talents, établir une relation de confiance, analyser la personnalité et le comportement des candidats entrepreneurs davantage que se compétences, et imaginer son intégration dans son point de vente comme avec les autres franchisés de son réseau.
« Devenir franchiseur implique un changement de statut dans sa vie d’entrepreneur, qui sera essentiellement consacrée au développement et à l’animation de son réseau, alors qu’il était auparavant concentré sur le métier de son secteur. Cette évolution représente un challenge nouveau. Le franchiseur fait face à des indépendants, toujours exigeants et pas forcément satisfaits vis-à-vis des services qu’il leur proposera, quelle que soit la qualité de sa prestation.
Quand le franchisé réussit, il pense généralement que c’est d’abord grâce à lui, et quand ça ne marche pas, que c’est de la faute de son franchiseur. Heureusement pour le franchiseur, la montée en puissance de son enseigne et la duplication de sa propre réussite seront sources de beaucoup de plaisir », explique Laurence Vernay, avocate associée du cabinet Saje.
On peut ajouter qu’un bon franchiseur aura également la satisfaction, s’il acquiert bien ce second métier, de constituer une communauté d’indépendants partageant ses valeurs essentielles. Confiance et estime mutuelle sont les fondamentaux de la relation entre franchiseur et franchisés.
« La transparence dans la relation avec le franchisé est cruciale. Le franchiseur doit ainsi tenir sa promesse initiale. Je pose souvent la même question à un franchisé, six mois après son ouverture : « Est-ce que ce que je t’ai dit lors du recrutement, tu l’as rencontré et validé sur le terrain ? Et j’aime entendre : Oui !», signale Bernard Corbi, directeur réseau franchise de La Compagnie Nationale de l’Or.
Le franchiseur est obligé de mettre en place des services pour ses franchisés. En particulier, de construire des outils et de mettre en place une organisation humaine efficace pour apporter une assistance permanente aux points de vente du réseau.
Construire un réseau de franchise est un projet d’entreprise sur 5 à 10 ans au minimum.
« Au moment de lancer une franchise, il ne faut pas être tout feu tout flamme mais maîtriser son projet, sans brûler la moindre étape. Il est impératif de faire preuve de rigueur et de sérieux dans la construction du réseau pour le projeter dans l’avenir – avec un concept pérenne - et l’inscrire dans la durée – avec des évolutions permanentes du concept -. C’est la seule manière d’obtenir la reconnaissance de ses franchisés ainsi que celle des consommateurs. Et cela commence par la mise en place d’outils et services pour ses partenaires », rappelle Marie-Christine Bordes, responsable du recrutement franchise chez Quick France.
Le travail préparatoire à un lancement en franchise apporte un incontestable bénéfice dans l’organisation d’une entreprise.
« L’audit de faisabilité en franchise a permis de recenser nos savoir-faire. On a ainsi découvert certaines failles dans notre organisation et quelques procédures désuètes, même si les normes de notre activité étaient globalement bien respectées », insiste Antoine Pereire Da Vale, chargé de mission franchise chez Yprema.
La productivité de l’entreprise s’en trouve améliorée de manière sensible. L’organisation du franchiseur sera l’atout majeur du franchisé dans son futur quotidien.
« Pour lancer une franchise, je ne pensais pas qu’il fallait autant se mettre à nu sur la pratique de son activité. Tant face aux consultants en management de réseaux qui nous ont accompagnés dans l’audit de faisabilité, que face aux futurs partenaires indépendants.
On confie toutes les clés de son entreprise à quelqu’un d’autre, comme on lui confierait un bébé, sans certitude qu’il renouvellera le contrat. Il faut entrer dans le détail des procédures et dévoiler l’intimité de son fonctionnement pour garantir au franchisé une réelle autonomie et lui apporter les meilleures chances de réussite », confirme Frédy Louis, dirigeant-fondateur du réseau Idésia.
Il est recommandé de se faire accompagner par des conseils en franchise expérimentés.
Dans cette évolution tant personnelle que de la structure de son entreprise, le candidat franchiseur peut s’appuyer sur des experts spécialisés en franchise sur leur domaine : droit, développement et management des réseaux, expertise-comptable, informatique, etc. Il sera ainsi placé dans des conditions optimales, notamment en ce qui concerne la bonne duplication de son concept et la mise en application de son savoir-faire par les franchisés.
« Le métier de franchiseur ne s’improvise pas, ne peut demeurer à un stade artisanal et possède un degré d’exigence que vous rappelle vos franchisés au quotidien. Aujourd’hui, les risques majeurs de cause d’échec dans les franchises sont tous identifiés. Les professionnels sérieux, experts en franchise, connaissent tous les points névralgiques et les zones de risques dans le développement d’un réseau, et savent surtout comment les franchir les premiers et éviter les secondes. Le franchiseur doit être accompagné dans ce changement, tout comme ses équipes salariées », avertit Laurence Vernay, avocate associée du cabinet Saje.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
Nicolas Nadal (Juripole Avocats)
« Le métier de franchiseur représente une nouvelle étape de création »
« Au moment de lancer son réseau, un franchiseur doit avoir une parfaite maîtrise de son métier premier, celui lié à l’activité dans son secteur, concrétisé au travers d’unités-pilotes rentables : c’est son savoir-faire. Tout l’enjeu de la création d’un réseau de franchise est alors la transmission, mais aussi la préservation, de ce savoir-faire à l’égard d’indépendants que sont les franchisés.
Le métier de franchiseur représente alors une nouvelle étape de création, dans laquelle son métier premier, où il a acquis son expérience d’entrepreneur et la réussite, n’est qu’une composante. Le franchiseur reprend des risques en investissant beaucoup dans un nouveau projet. Il devra disposer de ressources financières et dégager du temps pour construire des outils et une équipe dédiée qui n’existait pas dans le métier premier. Il intégrera des dimensions juridiques, stratégiques et opérationnelles toutes nouvelles. Et tout cela, sans oublier d’améliorer son métier premier qui nourrit son métier de franchiseur, et devra tendre à l’évolution de son savoir-faire notamment par l’apport de services complémentaires. Le jeune franchiseur doit donc apprendre à préserver les spécificités tout à la fois du métier premier (notamment une relation de subordination et le développement de normes reproductibles) et du développement en réseau (notamment quant à la relation avec des indépendants tout en préservant le savoir-faire) et à entretenir des passerelles entre l’un et l’autre. »