Le franchiseur peut négliger le dépôt et la surveillance de sa marque, ce qui entraîne de lourdes conséquences pour son réseau. De plus, une marque doit être choisie en fonction de la stratégie envisagée en termes de communication, de valorisation et de développement par le franchiseur.
Le franchiseur peut négliger le dépôt de sa marque, en ne le considérant que comme un acte administratif ou en confondant cette opération avec le contenu de son activité.
Le franchiseur a l’obligation d’assurer à son réseau une exclusivité et une exploitation sereine de la marque et de tous les signes de ralliement de la clientèle à l’enseigne : logo, adresse Internet, design des magasins, concept commercial (cf. leçon 14 de la partie « Devenir franchiseur »).
« Le franchiseur néglige paradoxalement encore trop souvent le dépôt de sa marque, pensant qu’il ne s’agit que d’un acte administratif, et traite généralement cette question en dernier. Or, la marque est l’un des trois éléments-clés d’une franchise. Elle est le signe de ralliement de la clientèle et représente un actif important pour la valorisation du réseau. De plus, le franchiseur confond régulièrement protection de la marque et contenu de l’activité. Le dépôt de la marque ne protège ni le savoir-faire, ni le concept qui en découle.
Ainsi, quelqu’un peut copier le contenu d’une activité sans en copier la marque. Dans l’esprit du franchiseur, le dépôt à l’institut des marques français - l’INPI[1] - ou à celui des marques communautaires - l’OHMI[2] - parachève la protection de sa marque. Cet acte viendrait même clôturer l’ensemble de la définition de son concept. Or, c’est l’inverse qui est logiquement à mettre en œuvre : le choix de la marque doit intervenir en amont et être liée à une stratégie définie par anticipation», souligne Caroline Jouven, conseil en propriété industrielle dans le cabinet spécialisé Inlex IP Expertise.
Une marque est protégée en fonction de son caractère distinctif. Elle sera choisie en fonction de la stratégie envisagée en termes de communication, de valorisation et de développement par le franchiseur.
Le dépôt de la marque est un acte administratif simple, mais le franchiseur doit prendre le temps d’affiner une stratégie pour choisir une marque.
« La marque est protégée en fonction de son caractère distinctif. Plus son nom est original, plus son territoire de protection est grand. Elle doit être duplicable – prononçable, avec une structure sémantique mémorisable -, protégeable – ce qui n’est pas le cas d’une appellation descriptive de l’activité -, et disponible dans différents registres – marques, RCS et nom de domaine -. Si la marque choisie est composée d’une expression orientée marketing (évoquant le secteur d’activité), il faut en mesurer les conséquences de sécurisation (diminution du périmètre de protection).
Par exemple, une marque composée de terme(s) descriptif(s) comme « La Maison de la Franchise » implique une faible protection, une dilution et sa valeur financière peut en être affectée. A contrario, un terme signifiant comme Kookaï permet de détenir une protection immédiatement plus étendue. Le consommateur ne connaîtra pas le contenu de l’activité à son démarrage, mais l’associera par la suite, grâce à la publicité et au marketing. Il est donc indispensable de choisir sa marque en fonction de la stratégie envisagée par le franchiseur en termes de communication, de valorisation et de développement », insiste Caroline Jouven.
Une marque mal déposée ou mal protégée entraîne de lourdes conséquences pour un réseau de franchise.
« Une marque mal déposée ou mal protégée peut laisser la place à des marques ressemblantes, ce qui impacte directement le réseau avec la création possible d’une enseigne concurrente jouant sur la confusion des noms. Pis, si elle est attaquée a posteriori et annulée pour manque de distinctivité ou pour imitation avec un signe antérieure cela peut entraîner la nullité du contrat de franchise. Elle peut aussi, tout simplement, rendre impossible certains développements d’activité. Par exemple : la vente en ligne, les droits dérivés ou l’implantation sur certains territoires à l’international », indique Caroline Jouven.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
[1] Institut Nationale de la Propriété Industrielle
[2] Office de L’Harmonisation dans le Marché Intérieur (marques, dessin et modèles)
Caroline Jouven (Inlex IP Expertise)
« Dans le choix d’une marque, l’aspect créatif doit tenir compte de l’aspect libre de droits »
« Le travail de recherche sur le nom d’une marque se réalise de façon simultanée et interactive entre juristes et créatifs. Plus le filtre juridique intervient tôt, plus il est aisé de parvenir à une marque distinctive, licite, correspondant à l’activité du franchiseur et disponible pour les activités et pays visés par l’enseigne en cours de création.
Dans cette recherche, l’aspect créatif doit tenir compte de l’aspect « libre de droits ». Les créatifs n’y pensent pas toujours, d’autant qu’ils n’ont pas une obligation de résultat par rapport à disponibilité juridique de sa marque. Tout commence par un débriefing sur le positionnement adopté, le choix entre marque signifiante ou descriptive… Cela va jusqu’à déterminer si l’on peut acheter les droits d’une marque déjà déposée. Une quinzaine de noms sont alors proposés, qui sont passés au crible par les juristes. Parfois, l’ajout d’un mot peut suffire à rendre une marque « disponible ». Par filtres successifs, on aboutit à trois noms, parmi lesquels le franchiseur choisit.
Cette façon de procéder, au début de la création d’un réseau de franchise, évite des déceptions ou de mauvaises surprises au franchiseur. De plus, aujourd’hui, avec l’introduction de la marque communautaire dans la zone européenne, il y a 26 fois plus de risques qu’il y a 20 ans que le nom d’une marque ne soit plus disponible. »