Il faut accepter l’absence de lien hiérarchique avec ses franchisés. Une forte réactivité vis-à-vis de leurs demandes est par exemple impérative.
Courage, faculté d’écoute, humilité, empathie, transparence… Les qualités nécessaires pour exercer le métier de franchiseur sont nombreuses. Essentiellement parce que la matière première de la franchise reste l’humain.
« Depuis que je suis devenu entrepreneur, je m’étais habitué à ne pas pouvoir exiger de mes salariés ce que je demande à moi-même. Quand j’ai commencé à travailler sur mon projet de franchise, j’ai imaginé que les franchisés allaient réfléchir et agir comme moi. Or, ce sont des entrepreneurs indépendants, qui ont besoin de davantage d’assistance que je n’avais pensé. D’où la nécessité pour un franchiseur d’être parfaitement structuré », se remémore Jean-Christophe Menz, cofondateur de Cook & Go.
« Faire reproduire aux franchisés votre savoir-faire sans qu’ils n’essaient de l’appliquer à leur façon reste la difficulté majeure du métier de franchiseur. Le respect des normes d’une enseigne est pourtant le meilleur facteur de réussite pour vos partenaires ! Beaucoup sont souvent surpris de l’étendue des moyens que nous leur apportons au démarrage de leur activité », confirme Frédy Louis, dirigeant-fondateur du réseau Idésia.
« Il faut surtout rester très réactif au niveau des réponses aux franchisés à apporter tout au long de leur contrat. D’autant plus que dans un réseau à taille humaine comme le nôtre, les franchisés ne sont pas et ne seront jamais des numéros », ajoute Céline Guillonneau animatrice dans le réseau Net Habitat.
Il faut savoir fédérer ses franchisés au sein de sa communauté d’entrepreneurs.
L’homme-franchiseur est avant tout un animateur de groupe et un communicant.
« Il ne faut jamais pratiquer ce métier en pensant construire un produit financier. Devenir franchiseur, c’est d’abord aimer ses franchisés, trouver du plaisir à les accompagner et à les aider, posséder le sens du service pour les écouter et les coacher. Sans être stéréotypé dans cette assistance permanente. Il faut savoir être directif, affectif ou mentaliste, selon le cas du franchisé.
Tous vos partenaires ne vont pas intégrer le savoir-faire à la même vitesse, mais l’objectif est que tous, sans exception, réussissent. C’est notamment pourquoi il faut mettre en place des procédures de contrôle de l’application du savoir-faire, afin de pouvoir rapidement intervenir auprès d’un franchisé dès qu’il donne des signes de faiblesse », rappelle Jean-Paul Zeitline, fondateur du cabinet Progressium.
Dans cet accompagnement vers la performance de chaque point de vente, « le candidat franchiseur doit savoir se nourrir d’une éternelle insatisfaction pour faire progresser continuellement son concept et son rapport aux autres. Sa capacité à fédérer l’ensemble de ses franchisés autour d’un même projet sera déterminante dans la réussite de son réseau », prévient Franck Berthouloux, consultant au sein du cabinet Adventi Franchise.
Tout bon franchiseur doit être un leader naturel pour son réseau.
Hormis leur caractère d’entrepreneur, aucun franchiseur ne ressemble à un autre.
« Le réseau qui va le mieux se développer est celui qui ressemble à son franchiseur. Le franchiseur doit être un leader naturel, rester le modèle pour ses franchisés, et son management du réseau n’en sera que facilité. Il doit ainsi faire preuve de cohérence dans le développement de son réseau, et le réaliser en fonction de ses valeurs humaines. Le franchiseur doit donc déterminer les qualités nécessaires à la réitération de son savoir-faire et à la préservation de l’état d’esprit idéal du réseau. Cela lui permettra de dresser le profil franchisé. Dans ce contexte, le manque de cohérence entraîne la perte d’un état d’esprit dans un réseau, avec un risque de le gripper, voire de l’amener à disparaître », constate Nicolas Nadal, associé du cabinet Juripole Avocats.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
« Il est impératif de séparer entre associés l’intérêt en affaires et l’affection que l’on se porte »
« La naissance de la franchise Family Sphere a été mouvementée. Nous étions une quinzaine d’indépendants à appartenir à un réseau développé en licence de marque, Après La Classe. Suite à un désaccord profond avec la tête de réseau, dont l’évolution du savoir-faire était uniquement tributaire des contributions des partenaires du réseau, nous sommes partis à l’amiable.
Et avons constitué une nouvelle enseigne, Family Sphere, en détenant chacun 1/15e de la société tête de réseau. L’objectif n’était plus de se contenter d’un marché vaste, mais de proposer des prestations de qualité afin de fidéliser nos clients. Sur notre marché de la garde d’enfants où les marges sont faibles, il faut faire du volume ou mourir. Identité graphique, outils juridiques, homogénéité du savoir-faire, industrialisation du process, modélisation du concept dans une unité-pilote : il a fallu tout construire. Le redémarrage a été fulgurant.
Pourtant, quelques années plus tard, après l’entrée d’un actionnaire au capital du réseau puis sa sortie deux ans plus tard à cause d’objectifs différents de l’enseigne et du développement malheureux de plusieurs succursales, une nouvelle scission est intervenue dans le réseau Family Sphere.
C’est alors que temporairement j’ai pris seul le contrôle de la société franchiseur du réseau en détenant la majorité des parts sociales, davantage par devoir que par ambition personnelle. Six mois plus tard, je décidais de céder une grosse moitié de ces parts pour faire rentrer des franchisés dans le capital. Aujourd’hui, un tiers des franchisés du réseau sont dans le capital du franchiseur : selon moi, un réseau de franchise ne vaut que par ses franchisés.
Pour devenir franchiseur, il ne suffit pas d’avoir la volonté de créer une bande d’entrepreneurs organisée. D’autant qu’il est impératif de séparer entre associés l’intérêt en affaires et l’affection que l’on se porte. Il faut proposer à ses franchisés une idée de business rentable, mais également définir un système de valeurs et le conserver quand la taille du réseau grossit. Il est possible d’avoir une ambition énorme pour son réseau, à condition de toujours montrer une extrême humilité, et de ne jamais se laisser envahir par une froideur administrative. Il faut estimer ses franchisés pour ce qu’ils sont individuellement, pas pour l’ensemble qu’ils représentent. Plus un réseau grandit, plus il faut être politiquement correct, et en même temps, plus il faut être encore plus sincère. Aujourd’hui, Family Sphere compte 91 unités.»