Réussir sa demande d’emprunt professionnel repose sur certaines règles fondamentales, encore trop souvent négligées par les candidats entrepreneurs. Quant aux agences bancaires, elles proposent des conseillers professionnels ou chargés d’affaires dont l’implication et la pertinence varient selon les dossiers.
Projet non finalisé, situation financière personnelle instable, aptitudes à l’entrepreneuriat négligées : les difficultés à obtenir un emprunt professionnel seront inévitables si l’on ne respecte pas certaines règles fondamentales.
« Avant de « vendre » son projet à une banque, le candidat entrepreneur doit se poser les bonnes questions en termes de structure juridique ou d’approche du marché. Et rédiger un business plan reprenant l’ensemble des options choisies », rappelle Agnès Dalliet, responsable du Pôle Marché à la Société Générale.
Réussir sa demande d’emprunt professionnel repose sur certaines règles fondamentales.
« Il faut que le dossier de financement soit complet, présenté par un candidat qui maîtrise tous les éléments et qui est capable de démontrer sa crédibilité à porter le projet. L’absence d’étude de marché, de stratégie de développement commercial, de compte d’exploitation prévisionnel ou de local s’avère rédhibitoire. Le candidat doit aussi présenter une situation financière personnelle saine à travers ses relevés de compte, l’avis d’imposition, les contrats de prêts personnels, les trois derniers salaires et l’état du patrimoine. Ces éléments servent à prouver la gestion saine de son compte et sa capacité à épargner.
Enfin, tout entrepreneur doit montrer des aptitudes de commercial et de gestionnaire, une capacité à aller chercher du business dans un marché aujourd’hui extrêmement concurrentiel. Sans compter bien entendu sur sa capacité à juger de la rentabilité son entreprise », avertit Grégory Bénas, responsable BGE PaRIF des Hauts de Seine (réseau d’appui aux entrepreneurs).
Face à un même projet, l’implication et la pertinence du conseiller professionnel varient selon l’agence bancaire.
Dans une recherche de financement, il est indispensable de faire le « tour du marché ». Non seulement pour mettre en concurrence les différents réseaux bancaires, mais parce que l’implication et la pertinence du conseiller professionnel, face à qui le candidat entrepreneur défend son dossier, varient selon les agences. Même s’il peut exister des approches de dossier et des méthodologies de traitement différentes.
« Quand j’ai repris mon entreprise, les deux banques du cédant ont refusé de me financer. Pourtant, mon dossier n’était pas compliqué. Je prévoyais de multiplier par 2,5 le chiffre d’affaires dans les trois ans afin d’atteindre les niveaux des concessions de la même enseigne limitrophes, en m’appuyant sur 20 ans d’expérience en tant que commercial. Je bénéficiais d’une marque reconnue sur un marché stabilisé. Mes interlocuteurs bancaires directs n’ont jamais manifesté d’inquiétude particulière quant à l’acceptation de mon dossier durant notre échange.
Le passage en commission d’agrément s’est avéré négatif, et comme il n’y a pas de seconde chance… Je n’ai d’ailleurs jamais obtenu de réponse claire sur les raisons du refus. J’ai consulté cinq banques en tout, et une seule a consenti à ma demande d’emprunt. J’ai alors senti l’implication de mon conseiller bancaire, notamment à la qualité des questions qu’ils me posaient sur mon projet, car j’avais été moi-même dans sa situation pour défendre un projet commercial à mes supérieurs. Il savait visiblement comment constituer l’argumentaire pour défendre ma demande en commission d’agrément à partir des éléments propres à mon dossier », explique Pierre Légé, concessionnaire Tryba à Montrouge.
Pour certaines activités, des compétences particulières sont requises chez le conseiller bancaire pour parfaitement appréhender les exigences particulières d’un projet entrepreneurial.
« Je maîtrisais l’activité de mon secteur, ainsi que le milieu bancaire où j’ai réalisé l’essentiel de ma carrière professionnelle salariée. Ancien directeur de pôle Franchise d’une grande banque, je maîtrisais également le secteur de la franchise et j’avais choisi un réseau qui marchait bien.
Enfin, j’ai constitué un dossier de demande de financement complet. Dans ma future activité, le travail temporaire, j’avais trois besoins spécifiques : un financement à moyen terme - avec un apport personnel très important -, une ligne d’escompte en valeur de 150 000 euros en raison de forts besoins de trésorerie – l’intérimaire est payé le 12 de chaque mois, et l’agence de travail temporaire est rémunérée deux mois plus tard par l’entreprise cliente -, et enfin, une garantie financière de 114 000 euros, obligatoire dans mon nouveau métier.
J’ai rencontré cinq banques, et quasiment toutes m’ont accordé le financement à moyen terme. Malheureusement, on me proposait une solution d’affacturage avec des agios au lieu de la ligne d’escompte en valeur. Une seule banque, qui n’est pas le réseau où j’ai fait ma carrière, a accepté toutes mes conditions. J’ai en effet eu la chance de rencontrer un expert-crédit, et non un conseiller professionnel ou un chargé d’affaires. Il n’y a pas eu de déperdition sur la compréhension du dossier et c’était quelqu’un qui a pu peser sur la décision finale en raison de sa légitimité dans la structure. Grâce aux conditions obtenues, je n’ai aujourd’hui que les intérêts du crédit à payer dans mes charges financières », raconte Emmanuel Morey, franchisé Temporis à Colombes.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
Grégory Bénas (BGE PaRIF des Hauts de Seine)
« Attention au choix du secteur »
« Le banquier peut se montrer réticent sur le choix d’un secteur qui peut être sinistré ou en difficulté comme le prêt-à-porter, ou dont le niveau de réglementation pourrait rendre plus difficile l’activité comme pour la vente de cigarettes électroniques, ou encore présentant des incertitudes face à l’avenir, comme aujourd’hui l’immobilier. Le banquier suit souvent d’autres entreprises dans son portefeuille et sait généralement si une activité est florissante ou si elle peine. De plus, depuis 2009, avec l’arrivée des auto-entrepreneurs, le nombre de créations d’entreprise a doublé, ce qui a considérablement accru la concurrence sur l’ensemble des marchés. »