Changement de statut comme chef d’entreprise, d’organisation juridique et humaine : le développement d’une seconde unité n’est pas faite pour tous les franchisés, même s’ils sont performants dans leur premier point de vente.
Le franchisé est un opérationnel dans le premier point de vente, et sera un manager de ressources humaines en cas d’ouverture d’une seconde unité.
Préalable à l’ouverture d’un deuxième point de vente : il faut déjà avoir réussi le premier !
« Le franchisé ne doit pas vouloir maîtriser trop vite la géographie autour de son point de vente par croissance interne. Il est un opérationnel dans le premier point de vente, et sera un manager de ressources humaines en cas d’ouverture d’une seconde unité. Il doit être un gestionnaire hors pair et maîtriser sa masse salariale. Il peut reprocher au franchiseur de l’avoir laissé ouvrir trop vite un autre magasin », souligne Alexandra Robert, directrice associée de ResoAgency (cabinet de conseil aux réseaux).
Au-delà du management d’une équipe et d’appliquer la méthode de travail du franchiseur, le franchisé doit avoir la capacité de prendre de la hauteur avec le métier de son activité afin d’appliquer la recette du franchiseur sur un autre magasin, en maintenant la même qualité de services dans toutes ses unités.
Il faut aussi réfléchir à la stratégie de développement, et se donner les moyens de l’appliquer en multi-franchise (ouverture de plusieurs points de vente sous la même enseigne).
« On analyse les synergies à en mettre en place : clientèle, zone de chalandise… ce qui implique la plupart du temps une proximité géographique. Il faut aussi changer d’organisation : équipe dédiée par point de vente ou partagée entre ces lieux, relais de compétences parmi les salariés, place et rôle du chef d’entreprise…», détaille Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial.
Il faut au maximum une heure de route entre les points de vente.
« Le chef d’entreprise doit pouvoir bénéficier d’une réactivité forte pour agir vite, par exemple, en cas de salarié malade… Il faut aussi connaître parfaitement son périmètre et son champ d’action, tant sur le plan géographique qu’au niveau de ses compétences et savoir-faire. Enfin, lancer un deuxième magasin dépend d’opportunités en termes de locaux, de financement – premier prêt arrivant à son terme – et de personnel à qui déléguer des responsabilités », suggère Alain Giraud, directeur du développement King Jouet.
Le déclenchement d’une seconde unité tient aussi à des éléments mathématiques.
« Nous demandons des parts de marché saturée de manière raisonnable sur la première zone de chalandise - 15 à 20%, un minimum de 20 000 euros en trésorerie, de disposer d’une structure avec plusieurs collaborateurs et nous apportons un outil informatique pour piloter plusieurs agences à partir d’un siège central », indique Guillaume Exbrayat, président de Diagamter.
Aujourd’hui, 1 franchisé sur 5 détient plusieurs points de vente.
« Pour se développer en multi-franchise, franchisé et enseigne doivent être mature. Il faut éviter les barons, c’est-à-dire des franchisés qui auraient plus de poids que le franchiseur, avec une représentativité et une légitimité supérieures à celle du franchiseur. L’accompagnement du franchiseur doit être plus poussé que pour le premier point de vente. En revanche, il ne faut pas accorder un droit d’entrée ou des royalties moindres, car la seconde ouverture est à présenter comme une opportunité pour le franchisé, pas comme un dû », rappelle Patrice Matagne, président de ResoAgency (cabinet de conseil aux réseaux).
Pour gérer plusieurs points de vente, il faut décider d’une organisation juridique adéquate, afin de déterminer la rentabilité par point de vente, réaliser une optimisation fiscale et mettre en place une gestion patrimoniale.
Lors d’un développement sur plusieurs points de vente, il est impératif de conserver une visibilité indépendante de chacune de ses unités.
« Cela implique de décider d’une organisation juridique. On peut alors préférer un groupe de sociétés, avec une société par site d’exploitation, et une holding qui héberge les coûts communs : tenue comptable, services transversaux, rémunération du franchisé…voir des SCI qui détiennent les murs. On pourra ainsi déterminer la rentabilité par point de vente mais également réaliser une optimisation fiscale et mettre en place une gestion patrimoniale.
Par exemple, si l’on veut se séparer à terme d’une unité, ou encore conserver les murs et vendre le fonds de commerce d’un point de vente. Pour la partie purement comptable, pour permettre un benchmark des informations, il faudra adopter une organisation du point de vente la plus similaire possible : mêmes codes produits pour ses magasins, plan comptable identique… Ainsi par comparaison d’éléments, comme les frais de structure, on déterminera les clés de succès ou les risques de dérive. En étant capable d’analyser la qualité du travail, le franchisé détient un redoutable outil de management », propose Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial.
Un franchisé ne peut ouvrir des points de vente sous d’autres enseignes que si son contrat de franchise le stipule. Il existe alors deux possibilités : créer dans une activité complémentaire au premier métier ou développer sa propre concurrence.
Un franchisé peut également ouvrir des points de vente sous d’autres enseignes, sous conditions.
« Le modèle est plus contraignant, car seul 10% des franchisés sont pluri-franchisés. Il existe alors deux possibilités : créer dans une activité complémentaire au premier métier - assurances et immobilier - ou développer sa propre concurrence, comme c’est le cas dans la restauration. Dans tous les cas, le métier doit s’y prêter, il faut valider chez le franchisé des capacités humaines, financières et techniques identiques à la multi-franchise. Et le contrat de franchise doit le stipuler. Des clauses de non-concurrence et non-affiliation peuvent interdire ce type de développement. Attention au développement en cachette sous une autre enseigne à travers une affaire détenue par sa femme, cela peut engendrer une rupture immédiate du contrat si cela est découvert », avertit Patrice Matagne.
« En pluri-franchise, il faut une proximité des métiers entre les deux activités choisies. Par exemple, la connaissance des attentes et besoins des mères de famille, qui représente les trois-quarts des clients de King Jouet, ouvre à nos partenaires des activités comme la puériculture, la plaine de jeux, les vêtements pour enfants, soutien scolaire… Plus généralement, c’est la connaissance transversale du client - typologie, cercle de décision…- qui facilite cette passerelle. Et ce, d’autant plus que l’entrepreneur indépendant déjà installé bénéficie d’une reconnaissance locale tant de ses clients que des acteurs économiques locaux », indique Alain Giraud.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
Alain Giraud (King Jouet)
« Ne pas croire que l’ouverture d’un second magasin est plus facile »
« Le franchisé ne doit pas créer de seconde unité s’il manifeste une incapacité à déléguer – étant trop perfectionniste -, s’il est performant en termes de commerce et ne pourra dupliquer son modèle ailleurs car tout le monde n’est pas capable de formaliser. Ou s’il n’a pas trouvé une personne pour diriger le deuxième point de vente, quelqu’un suffisamment autonome et qui ne le remettra pas en cause en tant que chef d’entreprise. C’est un excellent moyen de fidéliser un salarié, de ne pas perdre son adjoint. Il ne faut pas croire que l’ouverture d’un second magasin est plus facile, car il demeure des risques d’échecs non négligeables. Notamment parce que le franchisé pense maîtriser le savoir-faire et ne suit pas les règles de l’enseigne. »