Erreur de casting, franchiseur ne maîtrisant pas son métier, mauvaise approche du marché local... Quelle que soit l’origine de son échec, il faut en analyser les causes profondes, afin de ne plus y être confronté à l’avenir sans ressources.
En franchise, il existe une cause majeure d’échec : l’erreur de casting… qui peut provenir du franchiseur, comme du candidat entrepreneur.
Pour expliquer l’échec en franchise, l’erreur de casting est souvent invoquée. Elle est doit ailleurs réciproque, voire simultanée : la qualité de commerçant du franchisé, comme celle de franchiseur de la tête de réseau, n’est pas à la hauteur du défi que représente l’entrepreneuriat ou le développement d’un réseau d’indépendants.
« La première cause d’échec est un franchiseur qui peut s’être trompé sur la qualité de commerçant du franchisé. Le franchiseur peut aussi ne pas remplir sa mission d’apport de savoir-faire et de services auprès du franchisé, car être franchiseur est bien un métier à part entière », confirme Hélène Helwaser, fondatrice du cabinet Helwaser.
Certaines personnes ne sont pas faites pour être commerçant.
« La franchise n’est pas une formule magique. Elle est un formidable levier pour la mise en place et le fonctionnement d’une entreprise commerciale, qui ne peut être actionné qu’à travers l’envie, la motivation et la polyvalence d’un véritable chef d’entreprise. Capacité de gestion, management d’équipe et démarche commerciale sont nécessaires pour mettre en œuvre le savoir-faire et les procédures du franchiseur. On observe deux archétypes dans les erreurs de casting : la personne qui rejoint un réseau en pensant que le franchiseur s’occupera de tout ce qu’elle n’est pas capable de faire seule, et celle qui a un goût pour l’indépendance marqué et rejoint un secteur où les enseignes ont laissé peu de place aux entrepreneurs isolés.
Or, en franchise, on perd de son autonomie et de l’identification personnelle du commerce au profit de la force d’un groupe et d’une marque immédiatement identifiée par le consommateur », rappelle Marc Lanciaux, fondateur du cabinet Lanciaux.
Il ne faut pas juste vouloir changer de métier, monter un magasin, et s’apercevoir que gérer un point de vente, c’est un véritable métier : trésorerie, merchandising, veille de la concurrence…
« Dans les cas d’échec, on observe une forte notion affective liée à l’absence de maturité dans la relation franchisé-franchiseur. Ou on assiste à une incompréhension mutuelle : le candidat a cru qu’il pouvait être autonome et le franchiseur aussi. Parfois, l’envie mutuelle est mauvaise conseillère…», ajoute Patrice Matagne, président de ResoAgency (cabinet de conseil aux réseaux).
Le terme « erreur de casting » ne vole parfois pas son nom.
« La personne motrice dans le projet entrepreneurial a, au final, n’a pas été celle qui a tenu et géré le magasin, un membre de la famille par exemple. D’une manière générale, il faut rester à l’écoute de l’enseigne : le franchisé doit naviguer entre savoir-faire de l’enseigne et son libre arbitre du chef d’entreprise, ceux-ci balisent le chemin du succès », avertit Alain Giraud, directeur du développement King Jouet.
D’autres causes majeures de cessation d’activité pour un franchisé sont également identifiées : mauvais choix d’emplacement, manque de trésorerie voire de fonds propres du franchisé, mauvaise approche ou appréhension du marché local…
« Au démarrage de l’activité, certains franchiseurs exigent un maximum de frais liés à leurs services ou leur concept : droit d'entrée, formation, agencement, publicité de démarrage, et parfois même, frais de mise en relation… Compte tenu de l'extrême frilosité des banques, le franchisé dispose de peu de trésorerie et reste à la merci du moindre vent. Il risque d’être emporté par un ouragan de pénalités, et d’aller de mises en demeure en clause de déchéance du terme. C’est à mon sens, le manque de trésorerie, voire de fonds propres, qui constitue l'une des causes majeures de cessation d’activité des franchisés », affirme Monique Ben Soussen, fondatrice du cabinet Ben Soussen.
« L’échec est aussi souvent lié à une mauvaise approche du marché local, avec des conséquences rapidement graves en franchise en raison du surinvestissement initial (droit d’entrée, redevances, agencements couteux, pack communication, etc.). Lorsque la rentabilité promise par l’enseigne n’est pas immédiatement au rendez-vous, on le paie plus cher. Si la « présentation du marché et de ses perspectives de développement » imposée au franchiseur par la loi Doubin est de mauvaise qualité, le compte d’exploitation prévisionnel est erroné et le niveau d’investissement mal appréhendé. Cela provoque fréquemment la défaillance du franchisé », souligne Olivier Tiquant, avocat associé du Cabinet Thréard-Bourgeon-Méresse & Associés.
Les échecs font toujours grandir, si l’on ne commet pas deux fois les mêmes erreurs.
Il faut toujours tirer profit des expériences passées.
« Un échec est aussi une expérience. Il faut en analyser les causes, afin de ne plus y être confronté à l’avenir sans ressources », note Marc Lanciaux.
« Et ne pas rejeter l’intégralité de la faute sur le franchiseur, surtout si l’on est entré dans un bon réseau ! », précise Hélène Helwaser.
Les échecs font toujours grandir.
« Dans l’analyse, il faut revenir aux fondamentaux. D’abord, savoir qui l’on est. Tout le monde n’est pas prêt à devenir indépendant. Un bon cadre, qui peut faire reposer ses décisions sur d’autres services, ne fait pas forcément un bon patron. Ne s’est-on pas aussi fourvoyé sur ses talents ? N’étais-je pas plutôt commercial que commerçant ? Ai-je bien choisi le secteur d’activité et est-ce que je croyais vraiment au produit vendu ? Ensuite, s’interroger sur le choix du réseau de franchise.
En termes de mentalité, me fallait-il une enseigne bien assise ou un jeune réseau, autorisant plus d’initiatives sur le concept ? D’autre part, analyser a posteriori le déroulement de passage en franchise. Business plan, retour sur investissement, montée en puissance de l’affaire : qu’est-ce qui a failli ? Enfin, si l’échec est personnel, c’est peut-être parce que l’on n’a pas su s’entourer. Expert-comptable, avocat… des conseils objectifs, hors ceux du franchiseur auraient peut-être été les bienvenus » soulève Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial.
François Simoneschi, rédacteur en chef de La Référence Franchise
Monique Ben Soussen (Cabinet Ben Soussen)
« En franchise, l'échec s'accompagne souvent d'un sentiment de trahison »
« Il faut être conscient qu'un échec, pour un franchisé, est souvent très douloureux. Il est fréquemment le cas d’un ancien salarié qui, volontairement ou parce qu'il n'a d'autre alternative, tente l'aventure du commerce. Et qui compte sur un tiers, le franchiseur, pour réussir une reconversion professionnelle. L'échec s'accompagne alors souvent d'un sentiment de trahison : il a fait confiance pour un nouveau départ et se sent trompé. Rebondir n'est pas aisé tant pour des raisons psychologiques que financières. Le franchisé a souvent mis tout son argent dans cette aventure et il n'a plus de fonds disponibles pour tenter une nouvelle expérience. Il est souvent caution des emprunts et devra en plus payer à l'avenir une partie des dettes de la société qu'il a créée et qui a échoué. Après cet échec, et si par miracle il lui reste quelques picaillons, il est fort peu probable que les banques lui fassent confiance. J'ai donc pu constater que les franchisés qui avaient échoué retournaient le plus souvent vers un emploi salarié. »